Article rédigé sur la base des témoignages et échanges avec Cécile Bonthonneau (consultante fondatrice de Pluségales), Bénédicte Froidure (directrice de File 7) et Louise de Larrard (chargée de mission DLA 77).
DLA, Culture et accompagnement HF
S’il existe différentes portes d’entrée pour aborder l’égalité des genres dans le cadre d’accompagnements DLA, plusieurs structures ont choisi de travailler exclusivement cette thématique. C’est par exemple le cas en 2018, en région Pays de la Loire, où un collectif de festivals s’est penché sur la lutte contre les comportements inappropriés dans les festivals, aboutissant notamment à la campagne de communication « Ici c’est cool ». Cet accompagnement DLA, en partenariat avec l’Aract, et réalisé par ESS Inspirantes, a été valorisé dans l’article "Le milieu festif s’engage contre le sexisme". A l’automne 2020, c’est la Plateforme, Pôle Cinéma et Audiovisuel des Pays de la Loire qui s’attaquait au sujet, accompagnée par Maud Raffray, activatrice d’égalité femmes-hommes avec l’appui du DLA régional (Cress et Mouvement associatif Pays de la Loire) et de la DRDEF.
Dans le secteur culturel, des publications comme les rapports de Reine Prat (2006 et 2009) ont ouvert la voie à une observation quantitative plus fine des inégalités de genre, étape indispensable pour penser ces inégalités afin de mieux les déconstruire. D’autres études plus sectorielles comme "L’emploi permanent dans les lieux de musiques actuelles" réalisée par la Fédélima (Fédération des Lieux de Musiques Actuelles) et le RIF (Réseau des musiques actuelles en Île-de-France) avec l’appui d’Opale, ont mis en avant la persistance de nombreuses inégalités de genre, allant à l’encontre des valeurs de diversité et d’émancipation du secteur (voir d’autres ressources sur les musiques actuelles sur ce site ou sur la plateforme Wah !).
Selon la consultante Cécile Bonthonneau,
Le secteur des musiques actuelles n’a pris que tardivement la mesure des inégalités de genre qui y sont pourtant particulièrement marquées. Depuis l’accès à la pratique jusqu’à la professionnalisation, l’insertion professionnelle et l’évolution dans la carrière, les femmes sont peu représentées et peu visibles.
Prise de contact avec le DLA, une démarche déterminée
Déjà très engagée sur le sujet, Bénédicte Froidure, l’une des rares directrices de SMAC, souhaitait ainsi accélérer le mouvement pour l’égalité au sein de sa structure. Elle et son équipe avaient déjà constaté les forts déséquilibres dans le nombre d’artistes programmé.es ou accueilli.es (la part de femmes dans la programmation globale ne représentait que 11% et seulement 13% du public fréquentant les studios (données de 2017)) et il s’agissait désormais de travailler le sujet dans sa globalité.
Après une joyeuse clôture de saison 2017-2018 faisant la part belle à la création artistique féminine avec l’événement "Filles 7", l’équipe prend contact avec le DLA.
Déroulé de l’accompagnement
Avant d’entrer dans le vif de l’accompagnement, la structure (avec l’appui de la consultante) a finalisé un « diagnostic égalité » visant à produire une photographie complète du projet de File 7 au regard du genre, mettant en lumière et analysant les données sexuées pour chaque pôle d’activité de la structure. Il s’agissait de "généraliser la prise en compte de l’égalité dans toutes les dimensions du projet artistique et culturel. "
L’accompagnement a porté sur tous les aspects du fonctionnement de l’association et de ses activités
L’accompagnement s’est déroulé de janvier à avril 2019 et a été rythmé par 6 rencontres (demi-journées) :
> Lancement de l’accompagnement et mise en place d’un groupe de pilotage constitué des parties prenantes, chargé de suivre les différentes étapes de la démarche
> Partage des constats et des enjeux du travail engagé par File7 – Point sur le diagnostic égalité
> Analyse du diagnostic égalité et groupes de travail thématiques
> Synthèse du diagnostic égalité et poursuite des groupes de travail
> Session sur le sexisme au quotidien
> Travail individuel avec les responsables des pôles d’activité de la structure
> Restitution publique de l’accompagnement DLA à l’occasion du vernissage de l’exposition sur les femmes dans la création musicale, en partenariat avec la SACEM puis clôture musicale.
L’ensemble de l’équipe salariée a participé aux différentes rencontres et a progressivement pris conscience de l’impact du sexisme quotidien vécu par les femmes dans le secteur.
Le conseil d’administration a été très présent dans la démarche avec la participation active d’un de ses membres, présent dans le groupe de pilotage marquant clairement l’engagement de la gouvernance de la structure.
L’accompagnement a pointé en revanche la nécessité de sensibiliser le second cercle : publics, musicien.nes, intervenant.es ponctuel.les doivent comprendre la démarche de la structure et les décisions qu’elle sera amenée à prendre dans la mise en œuvre de son projet.
Pour la consultante, la difficulté est de mettre en œuvre le plan d’action sur la durée et de rester mobilisée sur le sujet dans le flot des urgences opérationnelles. Elle souligne par ailleurs un point de vigilance sur la capacité à observer et accueillir la parole des personnes ayant fait l’expérience de discriminations dans le cadre du travail.
Impacts et plan égalité
L’objectif identifié a été atteint avec la production d’un plan d’action décliné dans l’ensemble des pôles d’activités de la structure. Ce travail est ainsi venu nourrir le projet culturel et artistique pour le renouvellement de la convention scène de musiques actuelles (SMAC) et a été une étape clé dans la démarche RSO de File 7.
Ce plan, véritable boussole pour l’égalité, comprend 6 volets (document complet en bas de cet article) :
> Lutter contre le sexisme ordinaire au travail
> Renforcer l’égalité en matière de programmation
> Favoriser l’accompagnement des musiciennes du territoire
> Informer et sensibiliser via les actions culturelles
> Garantir la sérénité et la sécurité des spectateur.trices
> Communiquer de façon inclusive
Et ensuite ?
4 mois après l’accompagnement DLA, l’association intégrait ce volet « égalité » à la démarche RSO (Responsabilité Sociale des Organisations) pour laquelle elle a bénéficié d’un accompagnement de l’Afdas. La collecte de données se poursuivait et des progrès étaient notés au niveau des ressources humaines (et en particulier du recrutement). A différents endroits, malgré les différences générationnelles et quelques résistances, l’accompagnement DLA aura globalement permis de faire changer le regard sur l’égalité femme-homme au sein des équipes.
Plusieurs actions ont ainsi été mises en place :
> Eléments de signalétique prohibant les actes répréhensibles
> Ecriture inclusive sur tous les supports
> Visuels et affiches incluant des femmes
> Quasi parité au sein de la gouvernance
> Embauche de femmes au sein d’une équipe technique jusque-là masculine
> Studios rebaptisés avec des noms de musiciennes
> Projet « Girls Rock Camp » avec l’école de musique
Les effets sur la programmation se sont également fait sentir :
> 46 % des artistes en résidence sont des femmes
> Artistes associées 100% féminines
Des difficultés persistent cependant pour la programmation de la grande scène.
Lors de l’entretien de suivi, 1 an après le bilan de l’accompagnement DLA, la piste d’un accompagnement complémentaire a été évoquée. Il s’agirait d’aider l’association à formaliser une charte pour mieux informer les publics de la démarche égalité, mais aussi de renforcer la sensibilisation du 2ème cercle et d’approfondir l’observation et la collecte de données sur les publics pour faire progresser la mixité dans les pratiques musicales.
Début 2021, File 7 publiait un article résumant l’ensemble de sa démarche de RSO dont l’accompagnement DLA a été l’une des étapes, inscrivant sa démarche d’égalité dans un plan d’action global fort et inspirant :
> Etre un lieu de vie inclusif à rayonnement territorial
> Œuvrer dans une action civique et citoyenne
> Favoriser la qualité de vie et la solidarité au travail
File 7 fait incontestablement partie des structures qui ont permis aux acteurs des musiques actuelles de se saisir de cette question, qui est devenue en à peine 3 ans une question présente dans tous les temps de rencontre professionnelle du secteur (MAMA, Transmusicales, CNM, SACEM.. .), Cécile Bonthonneau.
